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Les Makers de la Santé

Depuis 5 ans maintenant à Hacking Health Camp nous organisons des hackathons. Notre mouvement a pour but d’apporter l’innovation en santé en créant des espaces collaboratifs entre professionnels de santé, patients, acteurs du numérique et de l’innovation et toutes les parties prenantes du domaine.

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Nous avons la conviction que cette approche collaborative prenant en compte les problématiques de terrain est la meilleure pour faire améliorer les pratiques de soins et la vie des patients.

Pourtant la démarche du hackathon est parfois mal comprise. Nous aimerions ici éclairer sur les fondamentaux de ce type d’évènement tel que nous les voyons chez Hacking Health.

L’éthique du hacker contre le pirate : construire et innover en détournant plutôt que de détruire

Le hacker porte des valeurs et une culture et se différencie du pirate dans le principe du détournement des technologies pour favoriser la création, la construction d’usages innovants et ceci dans une logique du partage. Innover dans le secteur de la santé peut passer par l’organisation de hackathons.

Fusion des termes hacker et marathon, un hackathon est un marathon de co-création en équipe pluridisciplinaire dont l’objectif est de trouver une solution concrète à un problème en utilisant le principe du « hacking ». Hacker c’est détourner : utiliser un objet ou une technologie et la détourner de son usage pour en faire émerger un nouveau. Le principe fondamental du hacking est de montrer qu’il est possible de trouver des solutions simples en expérimentant des possibles dans une logique de partage et de collaboration entre les acteurs de la santé.

Tous les acteurs de la santé peuvent devenir hackers : une culture du prototype

Hacker la santé, c’est reposer sur un mode collaboratif et contributif les questions quotidiennes, les usages, les lieux, les outils dans leur efficience et leur viabilité en expérimentant concrètement les choses sur la base des savoir-faire existants et des expériences de chacun.

L’innovation est ici le produit de l’intelligence et de l’imagination collectives où tous les acteurs peuvent participer avec leurs points de vue, leurs spécificités, leurs compétences pour prototyper une solution innovante. Le chirurgien, l’infirmière, le médecin, le sociologue, l’ergonome, l’administrateur, l’informaticien, le designer, et même le patient sont ainsi investis pour remixer, détourner, hybrider une problématique concrète et trouver une réponse viable et applicable à travers un prototype inédit et une expérimentation. L’hybridation des points de vue et la transdisciplinarité sont ici au cœur d’un processus d’innovation ouvert et horizontal où tout le monde est acteur et responsabilisé.

À titre d’exemple, dans la série « The Knick » qui raconte l’histoire d’un hôpital et de son équipe médicale au début des années 1900 à New York, à l’époque, au bloc opératoire, l’outillage est rustique et les moyens faibles et les chirurgiens doivent faire preuve d’imagination pour sauver des vies. Il est par exemple montré comment l’outil pour aspirer le sang lors d’une intervention et permettre ainsi de transfuser le patient avec son sang, plus communément appelé RSPO (récupération de sang périopératoire), est une pompe à main. Ceci nécessite une personne dédiée au bloc et n’est pas pratique. Dans un des épisodes un chirurgien rencontre un vendeur d’aspirateur et il lui vient l’idée de détourner celui-ci pour inventer le premier RSPO automatique.

Un chirurgien et un vendeur d’aspirateur (nouvelle technologie de l’époque) vont générer ainsi un outil aujourd’hui universel dans un bloc opératoire.

Un hackathon ne crée pas des startups mais une communauté de makers de la santé

Il ne faut pas attendre d’un hackathon qu’il entraine automatiquement la création de startups à succès. Ce n’est pas en un week-end que vous allez construire l’équipe avec laquelle vous allez travailler les 10 prochaines années et une solution ne trouve pas son marché en 2 jours. Par contre c’est un excellent point de départ pour l’aventure entrepreneuriale. Le principe de partir des problèmes de terrain remontés par des acteurs parties prenantes du hackathon assure de mettre en oeuvre des solutions pertinentes. Reste à trouver un modèle économique viable pour rendre pérenne la solution mais cette partie-là prend du temps et ne peut se faire en un week-end. C’est tout le travail d’un entrepreneur : chercher un modèle économique viable et l’exécuter.

Un hackathon est d’abord un lieu de collaboration, de rencontres et d’apprentissage par l’action au-delà des démarches individuelles. Il doit pouvoir faire émerger une communauté active de makers de la santé partageant les mêmes méthodes, ressources, idées pour designer la santé autrement. Cette notion de communauté collaborative n’empêche nullement les projets individuels mais s’appuie sur une culture commune de l’innovation et du partage.

Une idée n’existe que parce qu’on la réalise et qu’on la confronte à plusieurs points de vue

L’objectif d’un hackathon ne s’arrête pas à l’idée, l’enjeu premier est d’intégrer une méthodologie, une démarche permettant de développer concrètement autour des usages le prototypage d’un projet, d’une idée, d’une pratique. Tout le monde peut avoir l’idée d’Uber ou de Blablacar sur la base du principe du réseau distribué mais seuls ceux qui génèrent des solutions concrètes seront finalement les véritables détenteurs de ces idées. La question de la propriété intellectuelle est dans un premier temps une fausse question. La véritable problématique est comment on s’approprie une idée en la construisant, en la développant, en subissant des échecs, en la confrontant à de multiples points de vue et contradictions pour finalement lui donner réellement corps.

Pour faire simple les gens ne s’intéressent pas à vos idées, ce qui les intéresse c’est d’avoir des solutions à leurs problèmes et c’est le principal objectif d’un hackathon. Ceux qui réussissent à créer des services rentables sont ceux qui s’intéressent aux problèmes des gens en leur offrant le meilleur service possible.

La question de la propriété intellectuelle devient importante dès lors qu’un modèle économique viable émerge d’une expérimentation et que la solution mise en oeuvre est reproductible et peut être protégée. Cela prend du temps et ce n’est pas lors d’un hackathon que cela se passe mais bien après, ce qui laisse tout le temps de se préparer pour protéger son travail.

Et pour ceux qui pensent que les grands groupes qui participent, organisent ou contribuent à des hackathons sont en mesure de reprendre les idées à leur compte, sachez qu’il n’en est rien.

L’aboutissement d’une idée est beaucoup moins liée aux moyens pour la mettre en oeuvre que la volonté et le courage de l’équipe de la réaliser. En bref un grand groupe a des moyens mais pas l’agilité ni la motivation d’équipes internes pour réaliser. D’où la nécessité de s’allier à des équipes externes pour les soutenir et les accompagner.

Un hackathon est un parcours apprenant, jonché de rencontres permettant à chacun de trouver sa place dans une équipe, de comprendre les problématiques d’un domaine (comme la santé dans notre cas). C’est une étape indispensable pour évaluer une idée et façonner les premières briques de solutions qui permettront de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale.

Cette année encore le Hacking Health Camp est éligible à la formation professionnelle car c’est fondamentalement plus une nouvelle manière de se former. Se former par l’action et la collaboration.

La viabilité du modèle Hacking Health est de mettre en oeuvre un hackathon où toutes les parties prenantes en santé sont présentes et où tous les porteurs de projets sont soumis aux mêmes règles sur un pied d’égalité. Bien sûr certains sont mieux préparés que d’autres comme dans toute compétition mais au final les seuls vainqueurs sont ceux qui ont le courage d’aller au bout de leurs idées.

Publié le 18 mars 2024